Voici une lampe au sodium basse pression (ou LPS pour low pressure sodium), une espèce en voie de disparition qu’on reconnaît à sa teinte «orange pur».
La couleur rose est due au néon (avec un peu d’argon) qui permet l’amorçage. La séquence complète dure environ 10 minutes.
Jusque dans les années 60, l’éclairage public c’était ça : de l’orange bien orange. Et ailleurs, des lampes à mercure bleuâtres – pas d’entre-deux!
La lampe de 18W, illustrée ici, est un petit format (22cm de long quand même) destiné à éclairer une porte extérieure par exemple; les lampes d’éclairage public étaient bien plus longues et avaient des puissances en conséquence de 90 ou 180W.
L’inconvénient principal de ces lampes est qu’elles éclairent dans une teinte très précise du jaune (le mot qui fait savant : monochromatique). On voit «en noir et blanc» avec une teinte jaune : les blancs et les jaunes sont jaunes; rouges ressortent jaune foncé (gris) et les vrais gris aussi; les bleus comme les verts sont noirs; etc.
Donc même si elles ont un bon rendement, on voit mal.
Autre inconvénient : le temps de chauffe de plusieurs minutes.
C’était dans le top dans les années30, en même temps que les lampes à mercure moins efficaces mais qui éclairaient blanc-bleuté (certaines installation industrielles mixaient sodium basse pression et mercure : en résultait une lumière laiteuse, d’aspect très artificiel).
Toutefois dans les années 60 sont apparues les lampes au sodium haute pression, les lampadaires orangés qu’on voit absolument partout aujourd’hui et qui permettent de voir «en couleurs».
Les lampes à basse pression gardent quelques avantages, comme une bonne durée de vie, une absence de pollution lumineuse (appréciable pour les observatoires proches des villes) et un impact négatif sur les rythmes circadiens.
Aujourd’hui les leds (et quelques autres technologies) offrent une solution durable et très efficace qui font que cette sources lumineuse devient de plus en plus marginale.
Philips SOX-E 18 W – détail des électrodes lors des toutes premières secondes de préchauffage.
Séquence complète de préchauffage (environ 10 minutes).
Pendant la Terreur (à l’époque de la Révolution Française à la fin du XVIIIe), les prêtres étaient persécutés et devaient se cacher pour éviter soit la déportation (dans les pires conditions que l’on peut imaginer) soit le reniement de leur fonction religieuse pour devenir simple fonctionnaire.
Certains prêtes réfractaires, soutenus et cachés par les villageois fidèles, continuaient d’officier dans la clandestinité. Parmi les objets sacrés qu’ils transportaient, on trouve celui-ci : extérieurement il s’agit d’une lampe à huile végétale sur pied tout à fait banale pour l’époque (voir la 3e lampe de la photo ci-dessous); mais le réservoir se dévisse et révèle non seulement une petite lampe qui se fiche dans un bougeoir, mais aussi (surtout) un calice pour la célébration eucharistique.
Note importante — La seule mention des lampes des prêtres réfractaires que j’ai trouvée est dans l’Histoire des luminaires, histoire des hommes de Philippe Deitz. L’auteur, qui a compilé les informations de nombreux articles et ouvrages connus et moins connus, n’a pas su me citer sa source concernant ces lampes. À prendre avec des pincettes, donc. Je suis preneur de toute donnée supplémentaire!
1, 2 et 4 : lampes possiblement utilisées par des prêtres réfractaires. 3 : lampe standard de la même époque, mais sans réservoir amovible.
Depuis plusieurs années, chinant sur les Baies et autres Bons coins, je vois de nombreuses annonces de « lampes de dentellière » :
Annonce sur eBay
ou encore :
Annonce sur Leboncoin
Or : ce ne sont pas des lampes de dentellière!
Une vraie lampe de dentellière, c’est ça :
Photo : Papoum
Et ce n’est pas une lampe!
Comme l’explique bien Papoum dans son article, les dentellières, les brodeuses, les cordonniers, etc. utilisaient une boule remplie d’eau pour concentrer la lumière d’une autre source lumineuse vers leur ouvrage.
Les petites lampes à huile en verre soufflé s’appellent « lampes provençales ». Elle se retrouvaient d’ailleurs sur les tables de toute la France, bien loin parfois de la Provence.
J’imagine que la confusion vient de la forme de la lampe qui rappelle — en plus petit — celle de la boule des dentellières.
Mais d’où vient cette confusion?
Un quelconque livre à grand tirage aurait-il commis la première méprise, les vendeurs en ligne s’en servant depuis comme référence?
Un premier vendeur se serait-il fait dire par sa grand-mère que c’était une « lampe de brodeuse »? — il aurait alors mis quelques annonces en ligne sur lesquelles les vendeurs suivants se seraient basés?
Les premiers vendeurs de la Baie auraient-ils vu une boule dans un livre et l’auraient-ils prise pour une lampe, Google faisant le reste?
Et vous : si vous arrivez sur cette page pour vendre une telle lampe : où avez-vous entendu parler de la jolie dentellière?
On trouve aujourd’hui des lampes torche à led équipées d’une grosse lentille en forme de loupe, au lieu du traditionnel réflecteur et verre plat.
Voilà qui paraît moderne! Eh bien pourtant non, l’idée n’est pas nouvelle et les lampes à huile la mettaient déjà en pratique :
1. Petite lanterne de voyage, comportant dans le pied — qui est rétractable — une petite bougie de diamètre réduit. La lampe est aussi munie deux petit pics à l’arrière qui permettent de l’accrocher sur un tissu, par exemple pour lire dans le train (complétant l’éclairage fourni en 2e classe ou le suppléant en 3e classe — mais lisait-on vraiment dans les wagons inconfortables de la 3e classe?). Les voyageurs achetaient eux-mêmes ces lanternes à la gare ou ailleurs.
Personnellement, je n’ai pas été convaincu par le concept. La cire coule et bloque le ressort qui pousse la bougie vers le haut. Résultat : la lampe s’éteint après un moment.
2. Petite lanterne dite « de voleur », celle-ci ayant été en fait utilisée par des douaniers. Elle contient une petite lampe à huile végétale dont la chiche lumière est focalisée par la lentille. La lampe comporte aussi un volet qui permet de masquer complètement la lumière et de la retrouver immédiatement au besoin.
Cette petite lanterne de voleur reste peu efficace en pratique; elle a tendance à fumer (comme sur cette photo d’ailleurs!) et à couler. Cela dit l’efficacité du volet est assez étonnante, la lumière est bien masquée (elle filtre encore un tout petit peu par la cheminée, mais c’est vraiment, vraiment minime).
3. Veilleuse Phare, petite lampe à huile végétale (olive, canola,…) et mèche de veilleuse. L’huile est contenue dans tout le réservoir en forme de boule et peut brûler plus de 12 heures. La petite flamme est fixe et claire, et la lentille permet de lire facilement ou d’éclairer un passage, une horloge, etc.
Les veilleuses à huile végétale (petite mèche flottante dans une récipient rempli d’huile) étaient encore assez populaires au XIXe, du moins dans les milieux bourgeois et aisés. L’idée brillante de la veilleuse phare est d’utiliser la petite mèche avec porte-mèche de la veilleuse, appliqués à un concept ancien de lampe. La flamme est la plus blanche et la plus fixe que j’ai pu voir avec de l’huile. Et le design général est réussi.
L’achat récent d’un canapé Ikea m’a donné l’envie d’ajouter une touche années 30 à mon salon — cette touche se traduisant tout naturellement par un luminaire ancien.
J’ai trouvé l’objet de mes rêves, un lustre doré au style victorien, typiquement américain, plutôt propre en dessous et bien poussiéreux au-dessus. Et surtout, avec les douilles et fils électriques d’époque : l’occasion pour moi d’en observer le câblage et de conserver un maximum de pièces d’origine.
Démontage, nettoyage, recâblage complet, remontage… Voilà le résultat :
Ces lustres étaient destinés à recevoir des ampoules dépolies en forme de globes. Ces lampes d’époque étant introuvables et les reproductions coûtant 10 $ pièce, j’ai ajouté une laque satinée sur de simples ampoules claires modernes (globes G25 pour salle de bain). J’utilise un gradateur et les ampoules font 25 W, la laque ne devrait pas trop chauffer (en tout cas, ça ne sent rien).
J’ai aussi ajouté les deux pampilles qui semblaient manquer.
Grâce au gradateur mural, ce lustre complète l’éclairage d’ambiance avec douceur, les autres petites lampes disposées tout autour de la pièce assurant une répartition homogène de la lumière.
Je n’aime pas les salons éclairées seulement par un lustre : les murs (là où se posent les yeux) restent sombres et la lumière crue est éblouissante. En revanche, si je dois passer l’aspirateur, les quatre ampoules 25 W à fond sont bien suffisantes.
Je suis locataire et utilise donc l’équipement qui venait avec l’appartement : baignoire, toilette, fenêtres,… et hotte de cuisine. Ma hotte est tout ce qu’il y a de plus basique : de la tôle pliée, un ventilateur avec filtres, et une ampoule nue. C’est tout : lorsqu’on se penche, ou lorsqu’on est simplement assis à table, on voit la tôle pliée et le « dedans » de la hotte, et l’ampoule nue vient nous éblouir.
D’où l’idée d’un bricolage simple et peu onéreux : l’ajout d’une grille de défilement.
Une grille?
Les grilles de défilement, quézako? Il s’agit généralement d’un « quadrillage » brillant ou blanc, qui dirige la lumière vers le bas et masque tout ce qui est au-dessus de la grille. On en voit souvent dans les bureaux, faisant partie de plafonniers fluorescents ou intégrées aux faux-plafonds. Les métros parisiens MF 77 en étaient équipés avant leur rénovation récente.
J’ai choisi la version nickelée pour éviter de mettre côte-à-côte deux blancs différents, celui du plastique de la grille et celui de la peinture de la hotte. Je voulais aussi diriger au maximum la lumière vers le bas, et l’esthétique de la grille argentée me plaisait. Celle que j’ai achetée et découpée (en photo) est fabriquée par Plaskolite; on la trouve en magasin de bricolage.
Et ce n’est pas tout : quelle ampoule?
Ces grilles étant en plastique, pas question d’utiliser une ampoule à incandescence qui les ferait fondre; je ne voulais pas non plus de lampe fluorescente compacte (CFL), je déteste leur lumière et elles ne durent jamais bien longtemps.
Mon choix s’est porté vers la lampe flamme de Philips : une teinte chaude (2700 K) et un excellent rendu de couleurs proche de l’incandescence (IRC = 92).
Ampoule à led Philips (source : Philips Lighting).
Comme cette lampe n’est pas très puissante (elle équivaut plus ou moins à une ampoule classique de 25 W), j’en ai mis deux en utilisant un adaptateur en Y, ce qui permet aussi de répartir la source lumineuse en deux points :
Douille en Y (source : Home Depot).
Et voilà le résultat!
L’intérieur de la hotte est bien masqué, et la réflexion des deux ampoules à led est efficace : on a l’impression qu’il a cinq ou six lampes, et pourtant il n’y en a bien que deux.
Et une fois qu’on est assis, aucune lumière parasite ne vient gêner la vue, c’est tout juste si on voit que la hotte est allumée :
Dans les premiers temps de l’éclairage public dans les villes, les lanternes à huile (qui éclairaient habituellement ça et là les passants) restaient éteintes les soirs clairs de pleine lune. La lune suffisait bien!
Et l’été, les soirs d’orage? Sans doute qu’une illumination stroboscopique, comme celle qui a survolé Montréal le 21 juillet dernier, aurait bien suffit elle aussi!
Introduction du film de 1944, avec un bec à flamme plate typique de la deuxième moitié du XIXe siècle. 1944’s movie introduction showing a typical flat open flame from the Victorian era.
S’il est un film que tout amateur d’éclairages anciens se doit d’avoir vu, c’est bien Gaslight (« bec de gaz » en anglais), ou Hantise dans sa version française. Deux versions produites par la Metro-Goldwyn-Mayer se sont succédées dans les années 40. La première (réalisée par Thorold Dickinson) est sortie en 1940, avant que la MGM ne tente d’en faire disparaître toutes les copies pour éviter toute concurrence avec la deuxième version de 1944 (réalisée quant à elle par George Cukor).
Introduction de la première version de 1940 et son gros plan sur la flamme. La pression du gaz un peu trop forte fait apparaître ces « cornes » aux bords de la flamme. First 1940′s version introduction. The gas is turned on too full so the flame has two side ‘horns’.
Chacune des deux versions a ses partisans : j’ai personnellement préféré la première pour la froideur de son ambiance, presque cauchemardesque et sans issue, alors que d’autres préfèrent le jeu plus subtil (mais plus mièvre aussi) de la seconde.
Ingrid Bergman regardant le lustre à gaz de sa chambre (Gaslight, 1944). Ingrid Bergman looking at her gas chandelier (Gaslight, 1944).
Mais les deux films se rejoignent dans les décors très fidèles de l’époque victorienne et la mise en scène réussie du gaz d’éclairage, qui se présente comme un acteur à part entière. Alors que les films actuels montrent une flamme très instable (donc très graphique), Gaslight utilise le gaz de houille de l’époque et nous permet de voir à quoi ressemblait un bec « papillon » (flamme plate et large obtenue grâce à une fente horizontale) ou un bec « Manchester » (constitué de deux orifices qui se font face et forment une flamme plus écrasée et plus verticale).
Le bec à flamme plate était le bec universel dès la généralisation du gaz de ville dans les années 1820 (et jusqu’en 1892 lorsqu’a été introduit le bec Auer à manchon incandescent, très lumineux et bien plus économique, souffrant toutefois d’une lumière verdâtre peu flatteuse). Aussi bien les salons que les cuisines, les corridors, les usines ou encore les réverbères en étaient pourvus, malgré la concurrences d’autres dispositifs plus efficaces mais aussi plus complexes et plus coûteux.
Flammes plates « papillon » typiques de becs au gaz de houille (Gaslight, 1944). Coal gas batswing flames (Gaslight, 1944).
La flamme papillon ou Manchester n’était pas toujours très stable (surtout dans les courants d’air), mais ces luminaires (dont l’intensité était comparables à une ampoule moderne de 15 – 25 watts) étaient simples et élégants, plus puissants que les lampes à huile, mais surtout… sans aucun entretien!
Applique à gaz(Gaslight, 1944). Gaslight bracket (Gaslight, 1944).
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Genouillère à gaz dans la cuisine de la maison, l’éclairage fonctionnel par excellence : les deux bras sont mobiles et permettent de déplacer la flammes (Gaslight, 1944). Mobile and functional fixture in the kitchen, with two arms so that you can move the flame close to your task (Gaslight, 1940).
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Large flamme papillon de réverbère(Gaslight, 1940). Large batswing flame in a street lamp (Gaslight, 1940).
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Un autre exemple de bec papillon avec une flamme plus large (et un peu moins fixe) que les exemples précédents (Gaslight, 1940). A batswing flame, showing some flickering due to its relatively large shape (Gaslight, 1940).
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Deux niveaux de flammes : normales et en légère surpression(Gaslight, 1940). Normal flames then with too much pressure (Gaslight, 1940).
Si on est attentif, on remarque aussi la forme particulière des flammes dans la première version de Thorold Dickinson : deux petites « cornes » sont bien visibles de part et d’autre de la flamme — en particulier dans le générique de début. Il s’agit en fait d’un artefact bien connu à l’époque du gaz de houille : lorsque la pression était un peu trop élevée, la flamme perdait en fixité et ces cornes apparaissaient. La scène de music-hall (voir ci-dessus) le montre clairement : lorsque la rampe de gaz s’illumine, les flammes en éventail s’élargissent.
Un article de 1894 (voir ci-dessous) l’illustre tout aussi bien et recommande à ses lecteurs de toujours maintenir une pression adéquate à la sortie du bec, faute de quoi le gain de lumière est minime par rapport à la consommation accrue de gaz..
Flammes correctes (en haut) et en surpression (en bas) selon que l’on tourne plus ou moins le robinet (The Manufacturer and Builder, février 1894) Correct and bad flame shapes depending on gas pressure (The Manufacturer and Builder, Feb. 1894).
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Une lampe à pétrole dans le salon également équipé de plusieurs becs de gaz(Gaslight, 1940). Kerosene lamp (also called coal oil lamp) in the living room that is also equipped with the gas fixtures shown above (Gaslight, 1940).
Les deux films intègrent aussi un usage méconnu du grand public : dans les salons bourgeois et malgré ses grands avantages, le gaz de ville côtoyait les lampes « traditionnelles » à huile végétale et à pétrole jusqu’à la généralisation de l’électricité au début du XXe siècle.
Les raisons de la présence de ces lampes pourtant moins efficaces et moins commodes étaient multiples :
les lampes à huile et à pétrole offraient de nombreux choix de réservoirs ouvragés et d’abats-jour en tissu et dentelles — là où l’applique et le lustre à gaz paraissaient moins richement décorés; certaines lampes (notamment de type Carcel, avec une véritable pompe à huile miniature et un mécanisme d’horlogerie) constituaient même de véritables « meubles de familles » qu’on était fier d’exposer et d’allumer;
alors qu’un guéridon supportait parfaitement une lampe à pétrole, les becs de gaz étaient tributaires des tuyauteries et se montaient donc soit aux murs, soit aux plafonds : si on voulait travailler au milieu du salon, une bonne lampe à pétrole avec son abat-jour restait le plus pratique;
le gaz était accusé d’abîmer dorures et tissus et son éclat était perçu comme dur : c’était la lumière industrielle issue de la lointaine usine, peu tangible et presque inquiétante, par opposition à la fidèle flamme plus fixe et plus douce de l’huile puis, par extension, du pétrole.
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Lampe à huile dite « à modérateur » et son abat-jour typique des salons de l’époque(Gaslight, 1944). Vegetable-oil moderator lamp (Gaslight, 1944).
Catalogue français montrant ce type de lampe. French period catalogue showing a moderator lamp and its accessories.
Bref, deux films pour le prix d’un DVD — et pour chacun, un soin indéniable apporté aux décors et luminaires victoriens.
Aujourd’hui petite balade à Montréal par – 20 °C, heureusement sans vent mais avec un beau soleil.
L’occasion pour moi de m’essayer à la prise de photos extérieures de ma HDS Ra Clicky 140GT — nom de code barbare pour cette petite lampe torche américaine très solide, bien finie et presque entièrement programmable.
Rue Saint-Alexandre à Montréal, novembre 2010. On se croirait déjà à Noël : tous les lampadaires clignotent en même temps, comme une gigantesque guirlande électrique!
Merci à la défaillance du système d’allumage central!
Musique : introduction du film Bessie Smith, St. Louis Blues