Ambiance vintage avec la lampe au sodium basse pression

Philips SOX-E 18 W - animation

Philips SOX-E 18 W – séquence de préchauffage.

Voici une lampe au sodium basse pression (ou LPS pour low pressure sodium), une espèce en voie de disparition qu’on reconnaît à sa teinte «orange pur».
La couleur rose est due au néon (avec un peu d’argon) qui permet l’amorçage. La séquence complète dure environ 10 minutes.

Jusque dans les années 60, l’éclairage public c’était ça : de l’orange bien orange. Et ailleurs, des lampes à mercure bleuâtres – pas d’entre-deux!

La lampe de 18W, illustrée ici, est un petit format (22cm de long quand même) destiné à éclairer une porte extérieure par exemple; les lampes d’éclairage public étaient bien plus longues et avaient des puissances en conséquence de 90 ou 180W.

L’inconvénient principal de ces lampes est qu’elles éclairent dans une teinte très précise du jaune (le mot qui fait savant : monochromatique). On voit «en noir et blanc» avec une teinte jaune : les blancs et les jaunes sont jaunes; rouges ressortent jaune foncé (gris) et les vrais gris aussi; les bleus comme les verts sont noirs; etc.

Donc même si elles ont un bon rendement, on voit mal.
Autre inconvénient : le temps de chauffe de plusieurs minutes.

C’était dans le top dans les années30, en même temps que les lampes à mercure moins efficaces mais qui éclairaient blanc-bleuté (certaines installation industrielles mixaient sodium basse pression et mercure : en résultait une lumière laiteuse, d’aspect très artificiel).

Toutefois dans les années 60 sont apparues les lampes au sodium haute pression, les lampadaires orangés qu’on voit absolument partout aujourd’hui et qui permettent de voir «en couleurs».

Les lampes à basse pression gardent quelques avantages, comme une bonne durée de vie, une absence de pollution lumineuse (appréciable pour les observatoires proches des villes) et un impact négatif sur les rythmes circadiens.

Aujourd’hui les leds (et quelques autres technologies) offrent une solution durable et très efficace qui font que cette sources lumineuse devient de plus en plus marginale.

Philips SOX-E 18 W - électrodes lors de l'allumage

Philips SOX-E 18 W – détail des électrodes lors des toutes premières secondes de préchauffage.

 

Philips SOX-E 18 W - séquence de préchauffage

Séquence complète de préchauffage (environ 10 minutes).

Les calices des prêtres réfractaires

Lampe « des prêtres réfractaires »

Pendant la Terreur (à l’époque de la Révolution Française à la fin du XVIII­e), les prêtres étaient persécutés et devaient se cacher pour éviter soit la déportation (dans les pires conditions que l’on peut imaginer) soit le reniement de leur fonction religieuse pour devenir simple fonctionnaire.

Certains prêtes réfractaires, soutenus et cachés par les villageois fidèles, continuaient d’officier dans la clandestinité. Parmi les objets sacrés qu’ils transportaient, on trouve celui-ci : extérieurement il s’agit d’une lampe à huile végétale sur pied tout à fait banale pour l’époque (voir la 3e lampe de la photo ci-dessous); mais le réservoir se dévisse et révèle non seulement une petite lampe qui se fiche dans un bougeoir, mais aussi (surtout) un calice pour la célébration eucharistique.


Note importante — La seule mention des lampes des prêtres réfractaires que j’ai trouvée est dans l’
Histoire des luminaires, histoire des hommes de Philippe Deitz. L’auteur, qui a compilé les informations de nombreux articles et ouvrages connus et moins connus, n’a pas su me citer sa source concernant ces lampes. À prendre avec des pincettes, donc. Je suis preneur de toute donnée supplémentaire!

Lampe « des prêtres réfractaires »

1, 2 et 4 : lampes possiblement utilisées par des prêtres réfractaires.
3 : lampe standard de la même époque, mais sans réservoir amovible.

Les lampes de dentellière : une confusion courante

Depuis plusieurs années, chinant sur les Baies et autres Bons coins, je vois de nombreuses annonces de « lampes de dentellière » :

eBay-lampes-dentelliere
Annonce sur eBay

ou encore :

leboncoin-lampes-dentelliere
Annonce sur Leboncoin


Or : ce ne sont pas des lampes de dentellière!

Une vraie lampe de dentellière, c’est ça :

Par Papoum
Photo : Papoum

Et ce n’est pas une lampe!
Comme l’explique bien Papoum dans son article, les dentellières, les brodeuses,  les cordonniers, etc. utilisaient une boule remplie d’eau pour concentrer la lumière d’une autre source lumineuse vers leur ouvrage.

Les petites lampes à huile en verre soufflé s’appellent « lampes provençales ». Elle se retrouvaient d’ailleurs sur les tables de toute la France, bien loin parfois de la Provence.

J’imagine que la confusion vient de la forme de la lampe qui rappelle — en plus petit — celle de la boule des dentellières.

Lampe dite provençale

Mais d’où vient cette confusion?

  • Un quelconque livre à grand tirage aurait-il commis la première méprise, les vendeurs en ligne s’en servant depuis comme référence?
  • Un premier vendeur se serait-il fait dire par sa grand-mère que c’était une « lampe de brodeuse »? — il aurait alors mis quelques annonces en ligne sur lesquelles les vendeurs suivants se seraient basés?
  • Les premiers vendeurs de la Baie auraient-ils vu une boule dans un livre et l’auraient-ils prise pour une lampe, Google faisant le reste?

Et vous : si vous arrivez sur cette page pour vendre une telle lampe : où avez-vous entendu parler de la jolie dentellière?

Trois lampes anciennes avec une lentille pour focaliser la lumière

On trouve aujourd’hui des lampes torche à led équipées d’une grosse lentille en forme de loupe, au lieu du traditionnel réflecteur et verre plat.

Voilà qui paraît moderne! Eh bien pourtant non, l’idée n’est pas nouvelle et les lampes à huile la mettaient déjà en pratique :

cavannus-lampes-lentille-loupe


1. Petite lanterne de voyage
, comportant dans le pied — qui est rétractable — une petite bougie de diamètre réduit. La lampe est aussi munie deux petit pics à l’arrière qui permettent de l’accrocher sur un tissu, par exemple pour lire dans le train (complétant l’éclairage fourni en 2e classe ou le suppléant en 3e classe — mais lisait-on vraiment dans les wagons inconfortables de la 3e classe?). Les voyageurs achetaient eux-mêmes ces lanternes à la gare ou ailleurs.

Personnellement, je n’ai pas été convaincu par le concept. La cire coule et bloque le ressort qui pousse la bougie vers le haut. Résultat : la lampe s’éteint après un moment.


2. Petite lanterne dite « de voleur »
, celle-ci ayant été en fait utilisée par des douaniers. Elle contient une petite lampe à huile végétale dont la chiche lumière est focalisée par la lentille. La lampe comporte aussi un volet qui permet de masquer complètement la lumière et de la retrouver immédiatement au besoin.

Cette petite lanterne de voleur reste peu efficace en pratique; elle a tendance à fumer (comme sur cette photo d’ailleurs!) et à couler. Cela dit l’efficacité du volet est assez étonnante, la lumière est bien masquée (elle filtre encore un tout petit peu par la cheminée, mais c’est vraiment, vraiment minime).


3. Veilleuse Phare
, petite lampe à huile végétale (olive, canola,…) et mèche de veilleuse. L’huile est contenue dans tout le réservoir en forme de boule et peut brûler plus de 12 heures. La petite flamme est fixe et claire, et la lentille permet de lire facilement ou d’éclairer un passage, une horloge, etc.

Les veilleuses à huile végétale (petite mèche flottante dans une récipient rempli d’huile) étaient encore assez populaires au XIXe, du moins dans les milieux bourgeois et aisés. L’idée brillante de la veilleuse phare est d’utiliser la petite mèche avec porte-mèche de la veilleuse, appliqués à un concept ancien de lampe. La flamme est la plus blanche et la plus fixe que j’ai pu voir avec de l’huile. Et le design général est réussi.

Un peu de doré au plafond

L’achat récent d’un canapé Ikea m’a donné l’envie d’ajouter une touche années 30 à mon salon — cette touche se traduisant tout naturellement par un luminaire ancien.

J’ai trouvé l’objet de mes rêves, un lustre doré au style victorien, typiquement américain, plutôt propre en dessous et bien poussiéreux au-dessus. Et surtout, avec les douilles et fils électriques d’époque : l’occasion pour moi d’en observer le câblage et de conserver un maximum de pièces d’origine.

luminaire-non-restaure

Démontage, nettoyage, recâblage complet, remontage… Voilà le résultat :

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plafonnier-art-deco-02

Ces lustres étaient destinés à recevoir des ampoules dépolies en forme de globes. Ces lampes d’époque étant introuvables et les reproductions coûtant 10 $ pièce, j’ai ajouté une laque satinée sur de simples ampoules claires modernes (globes G25 pour salle de bain). J’utilise un gradateur et les ampoules font 25 W, la laque ne devrait pas trop chauffer (en tout cas, ça ne sent rien).

J’ai aussi ajouté les deux pampilles qui semblaient manquer.

plafonnier-salon

Grâce au gradateur mural, ce lustre complète l’éclairage d’ambiance avec douceur, les autres petites lampes disposées tout autour de la pièce assurant une répartition homogène de la lumière.

Je n’aime pas les salons éclairées seulement par un lustre : les murs (là où se posent les yeux) restent sombres et la lumière crue est éblouissante. En revanche, si je dois passer l’aspirateur, les quatre ampoules 25 W à fond sont bien suffisantes.

De jolies flammes papillon dans le film Gaslight

Introduction du film de 1944, avec un bec à flamme plate typique de la deuxième moitié du XIXe siècle.
1944’s movie introduction showing a typical flat open flame from the Victorian era.

S’il est un film que tout amateur d’éclairages anciens se doit d’avoir vu, c’est bien Gaslight (« bec de gaz » en anglais), ou Hantise dans sa version française. Deux versions produites par la Metro-Goldwyn-Mayer se sont succédées dans les années 40. La première (réalisée par Thorold Dickinson) est sortie en 1940, avant que la MGM ne tente d’en faire disparaître toutes les copies pour éviter toute concurrence avec la deuxième version de 1944 (réalisée quant à elle par George Cukor).

Introduction de la première version de 1940 et son gros plan sur la flamme. La pression du gaz un peu trop forte fait apparaître ces « cornes » aux bords de la flamme.
First 1940′s version introduction. The gas is turned on too full so the flame has two side ‘horns’.

Chacune des deux versions a ses partisans : j’ai personnellement préféré la première pour la froideur de son ambiance, presque cauchemardesque et sans issue, alors que d’autres préfèrent le jeu plus subtil (mais plus mièvre aussi) de la seconde.

Ingrid Bergman regardant le lustre à gaz de sa chambre (Gaslight, 1944).
Ingrid Bergman looking at her gas chandelier (Gaslight, 1944).

Mais les deux films se rejoignent dans les décors très fidèles de l’époque victorienne et la mise en scène réussie du gaz d’éclairage, qui se présente comme un acteur à part entière. Alors que les films actuels montrent une flamme très instable (donc très graphique), Gaslight utilise le gaz de houille de l’époque et nous permet de voir à quoi ressemblait un bec « papillon » (flamme plate et large obtenue grâce à une fente horizontale) ou un bec « Manchester » (constitué de deux orifices qui se font face et forment une flamme plus écrasée et plus verticale).

Le bec à flamme plate était le bec universel dès la généralisation du gaz de ville dans les années 1820 (et jusqu’en 1892 lorsqu’a été introduit le bec Auer à manchon incandescent, très lumineux et bien plus économique, souffrant toutefois d’une lumière verdâtre peu flatteuse). Aussi bien les salons que les cuisines, les corridors, les usines ou encore les réverbères en étaient pourvus, malgré la concurrences d’autres dispositifs plus efficaces mais aussi plus complexes et plus coûteux.

Flammes plates « papillon » typiques de becs au gaz de houille (Gaslight, 1944).
Coal gas batswing flames (Gaslight, 1944).

La flamme papillon ou Manchester n’était pas toujours très stable (surtout dans les courants d’air), mais ces luminaires (dont l’intensité était comparables à une ampoule moderne de 15 – 25 watts) étaient simples et élégants, plus puissants que les lampes à huile, mais surtout… sans aucun entretien!

Applique à gaz (Gaslight, 1944).
Gaslight bracket (Gaslight, 1944).

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Genouillère à gaz dans la cuisine de la maison, l’éclairage fonctionnel par excellence : les deux bras sont mobiles et permettent de déplacer la flammes (Gaslight, 1944).
Mobile and functional fixture in the kitchen, with two arms so that you can move the flame close to your task (Gaslight, 1940).

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Large flamme papillon de réverbère (Gaslight, 1940).
Large batswing flame in a street lamp (Gaslight, 1940).

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Un autre exemple de bec papillon avec une flamme plus large (et un peu moins fixe) que les exemples précédents (Gaslight, 1940).
A batswing flame, showing some flickering due to its relatively large shape (Gaslight, 1940).

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Deux niveaux de flammes : normales et en légère surpression (Gaslight, 1940).
Normal flames then with too much pressure (Gaslight, 1940).

Si on est attentif, on remarque aussi la forme particulière des flammes dans la première version de Thorold Dickinson  : deux petites « cornes » sont bien visibles de part et d’autre de la flamme — en particulier dans le générique de début. Il s’agit en fait d’un artefact bien connu à l’époque du gaz de houille : lorsque la pression était un peu trop élevée, la flamme perdait en fixité et ces cornes apparaissaient. La scène de music-hall (voir ci-dessus) le montre clairement : lorsque la rampe de gaz s’illumine, les flammes en éventail s’élargissent.

Un article de 1894 (voir ci-dessous) l’illustre tout aussi bien et recommande à ses lecteurs de toujours maintenir une pression adéquate à la sortie du bec, faute de quoi le gain de lumière est minime par rapport à la consommation accrue de gaz..

Flammes correctes (en haut) et en surpression (en bas) selon que l’on tourne plus ou moins le robinet (The Manufacturer and Builder, février 1894)
Correct and bad flame shapes depending on gas pressure (The Manufacturer and Builder, Feb. 1894).

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Une lampe à pétrole dans le salon également équipé de plusieurs becs de gaz (Gaslight, 1940).
Kerosene lamp (also called coal oil lamp) in the living room that is also equipped with the gas fixtures shown above (Gaslight, 1940).

Les deux films intègrent aussi un usage méconnu du grand public : dans les salons bourgeois et malgré ses grands avantages, le gaz de ville côtoyait les lampes « traditionnelles » à huile végétale et à pétrole jusqu’à la généralisation de l’électricité au début du XXe siècle.

Les raisons de la présence de ces lampes pourtant moins efficaces et moins commodes étaient multiples :

  • les lampes à huile et à pétrole offraient de nombreux choix de réservoirs ouvragés et d’abats-jour en tissu et dentelles — là où l’applique et le lustre à gaz paraissaient moins richement décorés; certaines lampes (notamment de type Carcel, avec une véritable pompe à huile miniature et un mécanisme d’horlogerie) constituaient même de véritables « meubles de familles » qu’on était fier d’exposer et d’allumer;
  • alors qu’un guéridon supportait parfaitement une lampe à pétrole, les becs de gaz étaient tributaires des tuyauteries et se montaient donc soit aux murs, soit aux plafonds : si on voulait travailler au milieu du salon, une bonne lampe à pétrole avec son abat-jour restait le plus pratique;
  • le gaz était accusé d’abîmer dorures et tissus et son éclat était perçu comme dur : c’était  la lumière industrielle issue de la lointaine usine, peu tangible et presque inquiétante, par opposition à la fidèle flamme plus fixe et plus douce de l’huile puis, par extension, du pétrole.

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Lampe à huile dite « à modérateur » et son abat-jour typique des salons de l’époque (Gaslight, 1944).
Vegetable-oil moderator lamp (Gaslight, 1944).

Catalogue français montrant ce type de lampe.
French period catalogue showing a moderator lamp and its accessories.

Bref, deux films pour le prix d’un DVD — et pour chacun, un soin indéniable apporté aux décors et luminaires victoriens.

Pour aller plus loin :

Et bonus : vidéo de démonstration de flammes extrêmement fidèles à ce qu’elles étaient à l’époque (par Uxsliving).

Grand-père Alphide : de la camaille à l’hydro-électricité

Il y a quelque temps dans une foire aux livres (tous les livres à un dollar!), je suis tombé sur un petit ouvrage artisanal tapé à la machine : l’Appel de minuit — Préliminaires : grand-père Alphide, publié au Québec dans le milieu des années 50 par L.-P. Tremblay sous le pseudonyme de Paul de Claver.

Intrigué, j’ai parcouru quelques lignes et j’ai tout de suite été séduit.

L'Appel de minuit - couverture et extrait

Le livre se compose d’une pièce de théâtre et de « préliminaires », ces derniers en constituant en fait le coeur et la partie la plus intéressante. Ils racontent la vie d’Alphide Tremblay qui a parcouru le Québec et y a développé plusieurs activités.

L’Appel de minuit est mal écrit mais touchant : style enfantin et naïf, maladresses grammaticales,… on dirait la rédaction scolaire d’un enfant de huit ans! En témoigne la toute première phrase, bancale :

L’APPEL-DE-MINUIT.

« Grand’Père Alphide »

Ce que vous allez lire au début de ce volume, sont les faits authentiques et vécus par celui dont le titre porte le nom: « GRAND’PERE ALPHIDE ».

Mais qu’importe le style! On a ici un récit brut — qu’on espère donc fidèle — du Québec au tournant du XXe siècle.
En voici quelques extraits qui nous permettent d’imaginer l’éclairage dans les régions québécoises à cette époque.

Nous sommes en 1873 à La Tuque (à peu près entre Québec et le lac Saint-Jean) :

6 ans: Le temps des classes, il faut s’y rendre pieds nus du printemps à l’automne, quelques fois jusqu’aux neiges, car ayant tout perdu il y a trois ans, mes parents n’étaient pas riches. A l’automne les jours sont courts, il faut bien étudier à la maison, comment résoudre ce problème? Alors c’est à la lueur rougeoyante du poële que j’essaie de le résoudre, ainsi je ménage la petite chandelle de suif. Un jour mon père ayant été loin, au village, apporta dans une boîte d’occasion, une lampe à l’huile . Quelle invention de génie de l’homme, une lampe à l’huile de charbon capable de nous éclairer le matin et le soir.
Cette nouvelle acquisition fut un grand sujet de curiosité pour tout l’entourage, car nous sommes les seuls à en posséder une. Les gens de passage, le soir devant chez nous, voyant une si grande lumière à travers les vitres, voilà que la curiosité les emporte; ils entrent et s’informent, franchement c’était merveilleux surtout pour nous les jeunes.

L’huile dont on parle ici est minérale (et non végérale ou de baleine) et il s’agit bien du fameux pétrole des « lampes à pétrole » qu’on appelle encore « lampes à huile » au Québec.

Quelques pages plus loin, l’auteur évoque un mode d’éclairage bien plus rustique et moins efficace (Alphide a dans les sept ans et il lui a fallu quitter l’école pour aider sa famille) :

Mon travail consiste à charroyer l’eau avec le gros boeuf noir attelé au joug par les cornes, de la rivière à l’écurie. J’utilise pour cela, une grosse tonne de sirop vide, ouverte du haut et solidement encerclée sur une bacagnolle; une fois cet ouvrage terminé, le soir il faut faire le ménage, alors mon père allume la camaille, (sorte de lumière que l’on fait avec une couenne de lard ou d’un ourlet d’étoffe).

Alphide est maintenant un adolescent plein d’entrain : il quitte La Tuque pour se rendre à Duluth dans le Minnesota et y trouver un travail. Il passe par Montréal et se rend à la gare Viger pour y prendre le train :

Cette gare n’a rien d’attrayant: la salle des pas perdus ne possède comme accomodation que des bancs de madriers, les planchers sont en proportion; sur le mur de petites lampes à l’huile accrochées à des clous et tout le long du mur jusqu’au plafond, une longue traînée noircie par la fumée.

Devenu adulte, Alphide exerce différents métiers dans les bois (bûcheron, trappeur,…) puis finalement retourne dans le nord où il devient grossiste et crée la première « maison de gros » à Hébertville Station au lac Saint-Jean.

Les cultivateurs demandent d’autres produits; après consultation avec mon frère Johnny qui travaillait de coopération avec moi, ainsi qu’un certain curé de la région, j’accepte de la Dominion Co. 20 tonnes de sirop des Barbades au prix de 26 cents le gallon. Par la suite un autre achat additionnel demanda du capital et cette fois non moins nécessaire ce fut l’éclairage; donc il faut de l’huile de charbon absolument.
J’achète alors à l’Imperial Oil 25 barils de 40 gallons qui me furent expédiés dans des barils de bois, mais dû aux conditions atmosphériques 50% de cette huile fut perdue, c’était le genre d’expédition qui se faisait dans le temps même aux endroits éloignés, ce fut alors tout un problème pour compenser ces pertes énormes il me faut donc faire des améliorations, plutôt les inventer, je me fis construire alors un réservoir d’acier carré renforci de barres d’acier aussi à l’intérieur, ce réservoir pouvait contenie 3000 gallons, mais là encore comment livrer cette huile aux marchands éloignés, je me fis construire 50 barils d’acier en grosse tôle galvanisée, d’une capacité de 50 gallons, le marchand en venant chercher d’autre huile faisait l’échange du baril.

La compagnie Imperial Oil ne pouvait comprendre comment je pouvais acheter tant d’huile et en faire la livraison sans perte dans des régions aussi éloignées, pour eux il devait y avoir anguille sous roche, un procédé ingénieux, donc ils dépêchèrent leur ingénieur sur les lieux afin de faire une étude de mon commerce d’huile.
Après information, celui-ci retourne à la compagnie avec son rapport et c’est de là que le baril d’acier parut sur le marché comme moyen efficace pour l’expédition de l’huile et plus tard de celui de la gazoline.

Bien après, aux alentours de 1900, l’hydro-électricité fait son apparition et permet de moderniser les industries locales.

Dans la même année, la récolte du foin fut abondante, l’année suivante la récolte manqua complètement dans le comté de Portneuf et Charlevoix, alors j’achetai une presse à foin, c’était une Hartel Victor, et nous voilà qui presse et nous expédions à mesure de 2 à 3 chars par semaine, ce fut ainsi jusqu’au mois de mai, le reste du temps la presse fut expédiée jusqu’à la Grande-Baie, et parla suite elle fit le tour du Lac St-Jean pour aider les cultivateurs.

Mais l’agrandissement d’Hébertville Station et de son entourage nécessite plus de développements. Il faut de la lumière électrique pour aider au développement de l’industrie. Je pris alors possession des chutes de la Belle Rivière à Hébertville Village soit à 6 milles d’Hébertville Station, j’en pris possession sous des droits d’esquater qui signifiait que loi passée en 1881 que toute personne qui fait du développement sur les terrains non chaînés de la province devenait propriétaire esquater (propriétaire Gratia et indéfini) alors je parcourus le comté pour prendre des parts au prix de $100.00 dollars chaque, j’en vendis pour $8,000.00 piastres ce qui permit les travaux préliminaires, mais il faut des dynamos, des transformeurs, la broche du courant et tous les accessoires utiles au bon fonctionnement d’un pouvoir hydro-électrique. La compagnie qui s’engageait à fournir ces moteurs et les autres marchandises demandait dans le temps $6,000.00 piastres comptant, c’est alors que je convoquai une assemblée d’urgence des actionnaires. Après discussion le secrétaire, Elzéar Ouellette, fut autorisé de solliciter le montant des banques; il se rendit à Chicoutimi et ensuite à Roberval pour nous apprendre au retour que les deux banques refusent le prêt. Une nouvelle assemblée fut convoquée et à l’occasion les membres donnèrent main levée à la Maison Tremblay et Frères de disposer de leur mieux afin de combler les pertes possibles. C’est alors que je me rendis auprès des autorités de la banque de Roberval. Après avoir entretenu une assez longue conversation, j’obtiens sous la garantie de la Maison Tremblay et Frères $3,000.00 dollars avec entente explicite d’obtenir trois autres mille  plus tard car la compagnie électrique exigeait le montant comptant.Donc à mon retour j’envoyais à la compagnie mon chèque au montant de $3,000.00 avec instruction d’expédier les marchandises, et la balance payable C.O.D. pour les trois autres mille .

Ce fut alors une grande joie parmi les gens d’Hébertville Station, et de tout l’entourage, car ils voient la possibilité d’obtenir la lumière électrique aussi les avantages qu’amèneraient ce nouveau développement pour la colonie naissante. « Apparence trompeuse » personne plus que moi-même peut réaliser le danger que comporte financièrement l’organisation d’une telle entreprise à travers une colonie dont l’argent manque si souvent; il est nécessaire d’utiliser toutes les notes de la gamme pour atteindre le but, faire face aux réclamations, à l’entretien et aussi à la finance; de par mon commerce j’en sais quelque chose. Vendre c’est beau lorsque nous ne sommes pas dans l’obligation de faire des échanges. Vendre à crédit lorsqu’il faut acheter comptant; j’eus toujours devant moi cette saison morte, ces hivers interminables, il me fallut donc accepter des échanges à peu près équivalents, ce qui n’est pas toujours facile, un jour je m’aperçus que mon hangar est rempli à craquer de quartiers de boeufs échangés pour des produits vendus de première qualité, non exposé comme le boeuf à des pertes surtout.

Quelques années et aventures plus tard :

Sans prendre de repos nous sommes retournés à Québec et de là nous prîmes le premier train de retour.

Dans l’intervalle le pouvoir électrique d’Hébertville Village allait d’avant, tout marchait rondement, et il fut mis en opération la même année; mais pour les deux premières années, le pouvoir marcha en déficit, et la troisième elle rapporta des profits substantiels aux actionnaires. Ce fut ainsi par la suite, toute l’installation finie et les imprévus construction, etc. elle coûta $16,000.00 piastres.

L’entourage, voyant d’un bon oeil les développements d’Hébertville, ce fut alors une sollicitation des habitants et parents de Grande-Baie d’entreprendre la construction d’un pouvoir électrique pour cet endroit. Ayant déjà eu l’expérience de ma première, je savais tout ce que comportait d’inconvénients cette deuxième entreprise. Sous leurs instances, je leur construisis un pouvoir qui coûta $26,000.00 pour la mettre en fonction; ce fut ma dernière oeuvre au Lac St-Jean.

C’est aux alentours de 1910 qu’Alphide, âgé d’environ 40 ans et lassé de ses activités d’entrepreneur, décide de créer un club privé de chasse et de pêche, et de développer le tourisme dans sa région.

Pour en savoir plus :

» Eugène Corbeil, premier curé de La Tuque
Citations de l’Appel de minuit et photos d’Alphide Tremblay

» L’Appel de minuit sur Open Library
Présentation du livre

» Télécharger L’appel de minuit de Paul de Claver, partie 1 (PDF)
» Télécharger L’appel de minuit de Paul de Claver, partie 2 (PDF)

Spot (par Papoum)


Quelques professions (bijoutiers, dentellières, cordonniers…), ayant besoin d’un bon éclairage en un point précis, utilisaient pour concentrer la lumière naturelle ou d’une lampe à essence ou d’une lampe à huile, une boule en verre aux trois quarts  remplie d’eau.

Allumoirs d’antan (par Papoum)

Voici le billet de Papoum, notre contributeur d’aujourd’hui et collectionneur passionné!

À alcool

Ces allumoirs très simples, sans molettes de réglage de mèches,étaient vendus relativement peu chers. Certains modèles étaient placés au bout de perches pour allumer cierges ou lustres. D’autres, comme décrits dans la publicité ci-dessus possédaient un embout (la clé) pour ouvrir et refermer le robinet de gaz des éclairages publics.

À Essence

À essence et à mèche

Ces allumoirs étaient aussi fixés au bout d’une perche. Souvent sur cette même perche, au dos de l’allumoir, était fixé un petit cône en laiton qui servait d’éteignoir.

À essence et électriques

Cet allumoir utilise une pile bouteille au bichromate de zinc L’électricité produite par cette pile faisait rougir une petite résistance en platine qui à son tour allumait la mèche d’un petit réservoir d’essence. La pile bouteille était à demi remplie d’un électrolyte d’acide sulfurique et de bichromate de potassium. Lorsqu’on appuyait sur la tige on faisait descendre une plaque de zinc (anode) qui se trouvait entre deux plaques de charbons (cathode). Lorsque la plaque de zinc touchait la solution de bichromate, la pile produisait un courant suffisant pour faire rougir la résistance et allumer le briquet.

Un autre allumoir électrique en bakélite, des années 1930, branché sur le secteur (110 V). Lorsque l’on touchait les deux petites lamelles placées dans l’encoche avec le bout métallique, porte-mèche du réservoir, cela mettait en fonction un petit vibreur (on voit le ressort de rappel), portant en son extrémité une rondelle en laiton, qui venant frapper une autre pièce métallique fixe, produisant des étincelles qui allumaient la mèche.

Ces modèles d’allumoir, qui étaient aussi branchés sur le secteur, ont été déclinés en plusieurs dizaines de marques et de formes. On retire « l’allumette » du réservoir d’essence et c’est en la frottant sur les deux peignes métalliques du support, que les étincelles produites, allument la mèche (sur le modèle de droite, entre les deux bornes de branchement du secteur, on aperçoit la « vignette » soudée sur le boîtier).

Sur ce modèle, que l’on trouvait dans les bars et les hôtels, et qui était construit autour d’une lampe pigeon, en tournant le bouton en bakélite, le bouchon se relevait et dégageait la mèche de la lampe tandis que le petit pinceau métallique venait toucher le bec de la lampe et créait suffisamment d’étincelles pour allumer l’essence.

Sur ce modèle mécanique il suffisait de baisser le petit levier ce qui tendait un ressort et lorsque on le relâchait le ressort faisait tourner la molette qui produisait des étincelles qui allumaient le briquet.

À vapeurs d’essence

La mèche intérieure va du réservoir jusqu’en haut du gros tube. Avec une flamme, on réchauffe le tube supérieur, l’essence contenue dans la mèche se vaporise et le gaz sort par le petit tube terminé par un trou calibré. La flamme doit lécher le tube qui enveloppe la mèche afin que sa chaleur permette à la gazéification de se poursuivre.

Taxe décret de 1871

À partir du 4 septembre 1871 la taxe sur les allumettes était étendue au briquets et allumoirs de toutes sortes. Une vignette métallique devait être soudée de façon visible sur tous ces objets. Cet impôt ne fut abrogé que le 31 décembre 1945.

Sources :
• Tarif T.C.D et Cie
• Magazine Ça m’intéresse n° 279 mai 2004
• Photos M. Laurens

Boire ou conduire son char à bœufs, nul besoin de choisir

Avant l’automobile et bien avant Facebook, les paysans allaient faire des affaires — vendre et acheter divers marchandises ou animaux — dans les foires des villes avoisinantes. Point de camion ni de tracteur donc : ils y allaient en chariot à bœufs.

La ville était loin et ils devaient rentrer de nuit; ils avaient alors l’obligation de signaler leur chariot à l’aide d’une lanterne sous peine d’amende de la maréchaussée. Seulement voilà, ils avaient oublié leur lanterne à la ferme! Que faire?

Ils allaient donc à l’auberge acheter une bouteille du vin, qu’ils vidaient dans leur gosier plutôt que par terre (pour pas gâcher) : cassée à la base et retournée avec une chandelle fichée dans le goulot, voilà une parfaite lanterne de remplacement! Hips!


Annecdote tirée de Ces objets qui nous habitent de Daniel Crozes, éditions du Rouergue, 1999.